« On va au travail pour gagner sa vie, pas pour la perdre ». Tel est le message public fort que délivrent deux décisions de justice rendues à quelques jours d’intervalle en décembre 2019 ; la première concerne l’explosion de l’usine AZF qui fut la cause de 31 morts et 2000 blessés en 2001 ; la seconde le management mortifère de France-Télécom responsable d’une épidémie de suicides et d’innombrables souffrances. Elles feront date dans l’histoire des luttes pour le respect du droit à la santé et à la vie des travailleurs et de la population.
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Dans les deux cas, les responsables sont condamnés à des peines de prison :
- 15 mois de prison avec sursis pour Serge Biechlin, ex-directeur de l’usine AZF, confirmés par la Cour de Cassation, 18 ans après les faits.
- 1 an de prison dont 4 mois de prison ferme infligés par le tribunal correctionnel de Paris à Didier Lombard et deux ex-responsables de France-Télécom, 4 mois avec sursis pour quatre de leurs complices.
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Dans les deux cas, les magistrats ne se sont pas contentés d’incriminer des individus.
Ils ont mis à jour l’implacable logique d’une stratégie globale d’entreprise dont l’unique boussole est la finance et qui considère les destructions de vies humaines comme de simples « dégâts collatéraux », assumés sans état d’âme.
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Ces jugements exemplaires n’auraient jamais été prononcés sans le formidable travail d’équipes syndicales et associatives motivées et la ténacité d’avocats engagés dans la défense des victimes du travail depuis plusieurs décennies.
L’Andeva rend hommage au travail de Sylvie Topaloff et Jean-Paul Teissonnière, défenseurs depuis plus de 20 ans des victimes de l’amiante et du travail qui se sont investis dans ces deux actions judiciaires hors norme.
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Dans sa plaidoirie sur le dossier de France-Télécom, Jean-Paul Teissonnière - comme le rappelle un communiqué de l’union syndicale Solidaires - s’est adressé aux juges pour dire les enjeux de ce procès :
« Le droit pénal a une fonction répressive et une fonction expressive. Il doit exprimer les interdits majeurs d’une société. La question que vous devez vous poser est simple, presque enfantine : est-ce que c’était interdit ? »
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Dans un état de droit, la justice pénale a le devoir de tracer les limites à ne pas franchir. Elle doit rechercher les responsables de tels désastres et leur adresser un rappel au respect de l’intégrité physique et psychique, au respect de la vie des êtres humains.
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Pour AZF et France Télécom, la justice pénale a sanctionné de hauts responsables d’entreprises pour rappeler un « interdit majeur ». Mais elle ne l’a toujours pas fait pour les 100 000 morts de l’amiante.
Là aussi, des dégâts humains considérables sont le résultat d’une stratégie d’entreprise. Des industriels ont promu sciemment l’utilisation d’un matériau mortifère, grâce à l’inertie complice des pouvoirs publics et au lobbying du Comité permanent amiante . Tous devraient rendre des comptes à la justice. Et pourtant, après 23 ans d’instruction, les juges prétendent n’avoir trouvé aucun responsable !
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Dans un émouvant documentaire sur les victimes de l’amiante de Condé-sur-Noireau (voir pages 6 et 7), Philippe Pichon a voulu « donner la parole à ceux que la justice ne veut pas entendre ».
Ils disent leur amertume et leur colère face à des non-lieu qui ressemblent à de véritables permis de tuer.
Ils disent aussi leur volonté de continuer à lutter pour que tous les responsables soient jugés.
Jacques Faugeron
Alain Bobbio
Article paru dans le bulletin de l'Andeva n°62 (janvier 2020)