Quelles étaient les conditions de travail aux chantiers de Saint-Nazaire ?
Patrick Hamon : En voyant les belles images des bateaux construits, on a du mal à imaginer comment travaillaient ceux qui les ont construits.
Ils descendaient à fond de cale par un trou d’homme. Tous les corps de métiers intervenaient dans cet espace confiné : menuisiers, soudeurs, chaudronniers, tireurs de câbles... Quand quelqu’un découpait des panneaux en amiante, les poussières s’envolaient et tout le monde en profitait !
Les salariés étaient employés par le chantier, par une société d’intérim ou par un sous-traitant. Tous respiraient les mêmes fibres d’amiante et bien d’autres produits cancérogènes, tels que les fumées de soudage ou de moteurs diésel.
Comment pouvez-vous les aider pour la « pré-retraite amiante » ?
P.H. : Monter un dossier est en général assez simple pour un ouvrier des chantiers, plus difficile (mais pas infaisable) pour un intérimaire et c’est presque toujours « mission impossible » pour un salarié d’une société sous-traitante non inscrite sur les listes.
Quelles sont les problèmes rencontrés pour un intérimaire ?
P.H. : il peut bénéficier de l’Acaata, s’il prouve qu’il a été exposé à l’amiante en travaillant en intérim sur le chantier.
Apporter cette preuve n’est pas toujours facile : certains n’ont pas gardé de papiers indiquant les dates et le lieu de leurs missions ; des sociétés d’intérim ont fermé ; d’autres n’ont plus les documents papier utilisés avant que leur gestion ne soit informatisée...
Depuis deux ans la Carsat nous met des bâtons dans les roues. C’est un véritable parcours du combattant.
Pour faire aboutir ces dossiers, nous faisons appel à des anciens des chantiers, qui se souviennent des noms des bateaux construits. On peut ainsi retrouver à quelles dates des intérimaires y ont travaillé.
Pour les entreprises sous-traitantes la situation est plus difficile.
PH : Oui, une infime minorité d’entre elles a été inscrite sur les listes à la même époque que les chantiers, notamment des entreprises de carénage ou de sablage où travaillaient beaucoup d’Africains. Mais l’écrasante majorité des sous-traitants qui faisaient de la soudure ou de la chaudronnerie par exemple ne sont pas sur les listes.
C’est eux qui faisaient les travaux, les plus durs, les plus sales et les plus exposés et leur entreprise n’est pas sur les listes. C’est très injuste !
C’est la loi qu’il faudrait changer...
PH : Oui, l’Addeva 44 est intervenue à plusieurs reprises auprès des députés ou des sénateurs locaux pour demander que tous les salariés qui ont respiré les mêmes poussières en travaillant sur le même site aient les mêmes droits, quel que soit leur statut.
L’Andeva a porté cette demande lors des débats parlementaires sur la loi de financement de la Sécurité sociale. Une question prioritaire de constitutionnalité a été posée. Mais nos efforts n’ont pas abouti jusqu’ici.