Le gouvernement fédéral de Justin Trudeau a annoncé le 15 décembre dernier que l’amiante serait interdit au Canada en 2018.
Cette nouvelle qui vient d’un pays qui fut longtemps un grand producteur et un publicitaire acharné de ce matériau cancérogène est une formidable victoire du mouvement international pour l’interdiction de l’amiante et un encouragement à continuer la lutte.
Pendant des décennies, le gouvernement canadien a assumé sans complexe le rôle de porte-voix d’une industrie meurtrière. Il a porté plainte devant l’OMC contre l’interdiction de l’amiante en France qu’il jugeait « contraire à la liberté du commerce ». Il a opposé plusieurs fois son veto à l’inscription de l’amiante chrysotile sur la liste des produits dangereux de la Convention de Rotterdam. Il a été - jusqu’à la fermeture de sa dernière mine d’amiante - le promoteur infatigable de campagnes internationales de désinformation sur l’innocuité de l’amiante chrysotile et son usage « sécuritaire ».
Le prix de cette politique insensée se paye aujourd’hui en milliers de vies humaines perdues, au Canada où l’amiante est la première cause de décès d’origine professionnelle et dans bien d’autres pays de la planète.
L’annonce du gouvernement Trudeau a été accueillie avec joie et émotion par les victimes de l’amiante et leurs organisations sur tous les continents, comme le montrent les témoignages recueillis le jour même par le secrétariat international IBAS.
Elle récompense le courage de militants anti-amiante canadiens de la première heure comme Kathleen Ruff qui – à contre-courant et dans des conditions très difficiles – ont mené un combat opiniâtre pour cette interdiction, en réfutant inlassablement la propagande mensongère de prétendus scientifiques soudoyés par l’industrie.
Elle est le fruit d’un puissant mouvement international contre l’amiante dans lequel se sont engagés des militants associatifs, des syndicalistes, des professionnels de santé, des scientifiques et des politiques de toutes les régions du monde.
Cette décision historique intervient à un moment crucial du combat international contre l’amiante.
Au Brésil en effet, le Suprème Tribunal fédéral doit décider
prochainement si l’interdiction de l’amiante dans plusieurs états du pays est ou non conforme à la constitution. L’enjeu est très important.
Dans ce contexte incertain, l’annonce de l’interdiction au Canada a boosté le mouvement anti-amiante brésilien. Comme l’a dit Fernanda Giannasi qui en est la figure de proue, « la décision d’Ottawa me donne l’espoir que bientôt le Brésil, l’un des principaux producteurs et utilisateurs mondiaux d’amiante, l’interdira lui aussi. L’extraction, le traitement, l’utilisation et l’exportation de la fibre tueuse sont une terrible menace pour tous les Brésiliens et pour tous les pays importateurs. Si le Canada peut interdire l’amiante, nous le pouvons ! »
La lutte internationale pour un monde sans amiante est confortée par la décision du gouvernement canadien. Il faut maintenant réparer les immenses dégâts humains et environnementaux que les industriels de l’amiante laissent à notre société et aux générations futures : indemniser décemment les victimes et les familles, éradiquer systématiquement les matériaux amiantés, encourager la recherche médicale sur le mésothéliome…
Les responsables de cette gigantesque catastrophe évitable qui ont fait passer le profit de quelques-uns avant la santé et la vie de tous doivent rendre des comptes à la justice et être condamnés à des peines en rapport avec la gravité de leurs fautes.
Alain BOBBIO
Jacques FAUGERON