Le 18 décembre l’ex- dirigeant de l’usine Freix a comparu devant le tribunal correctionnel du Mans. Poursuivi pour avoir mis en danger la vie de ses ouvriers en les exposant à l’amiante, il a rejeté sur eux la responsabilité de ses fautes.
Repoussée deux fois, l’audience était très attendue. Une salle est pleine : des ouvriers de Freix, des journalistes, des bénévoles de l’Advarm 72, de l’Addeva 44 et de l’Adeva Cherbourg, arrivés en minibus. Dans ce procès la CFDT métallurgie, l’Advarm 72 et l’Andeva sont parties civiles.
L’ex-dirigeant de l’usine est poursuivi pour mise en danger d’autrui et infraction à la réglementation sur l’hygiène et la sécurité. De 2013 à 2016, il a fait travailler 18 salariés sans protection sur des véhicules anciens dont ils ont démonté les freins et les embrayages amiantés.
En 2016, des taux d’empoussièrement en fibres d’amiante de 5 à 500 fois supérieurs aux normes ont été mesurés !
Face aux juges, le prévenu se présente comme un homme providentiel venu sauver l’entreprise.
L’amiante ? Il prétend n’avoir appris son existence qu’en novembre 2015, lorsqu’un salarié a exercé son droit de retrait. Sans état d’âme, il retourne l’accusation : « Si les salariés savaient, pourquoi ne m’en ont-ils jamais parlé ? Je n’étais là que deux jours par semaine. C’était à eux de me le dire ! ».
Le président lui rappelle que la loi fait obligation à l’employeur de préserver la santé de ses salariés.
L’avocat de la défense demande la relaxe. Maîtres Cao et Benouniche, avocats des parties civiles, démontrent, preuves à l’appui, la mauvaise foi du prévenu.
L’avocate générale dénonce son irresponsabilité : « Ce n’est jamais moi, c’est toujours les autres ! » Elle évoque l’inquiétude de salariés qui doivent vivre sous la menace d’une maladie grave liée à l’amiante.
Elle requiert finalement un an d’emprisonnement dont un minimum de 7 mois fermes ainsi que des dommages et intérêts s’élevant de 1000 à 3000 euros pour chaque salarié. Elle demande aussi l’interdiction d’exercer comme chef d’entreprise et met à sa charge les frais de justice. Elle réclame enfin que l’entreprise Freix, aujourd’hui fermée, soit, elle aussi, condamnée à 20 000 euros d’amende et à verser 1000 euros à chaque salarié.
La décision sera rendue le 22 janvier prochain.
« J’ai trouvé cette audience très instructive, explique Patrick Hamon, venu de Loire-Atlantique pour y assister. Une vraie leçon de choses : tout ce que ne doit pas faire un employeur ! »
« Nous espérons que le tribunal suivra les réquisitions de l’avocate générale, dit Sonia Hertz, la présidente de l’Advarm, mais il semble que l’accusé se soit débrouillé pour rendre sa société et sa personne quasi insolvables. Les ouvriers risquent d’attendre longtemps leurs indemnités. »
Rocambolesque !
C’est par une mystérieuse petite annonce que
l’Advarm a appris la mise en vente d’une « usine de fabrication de freins et d’embrayages » anonyme (matériel et bâtiments) « dans un lieu tenu secret ».
Les photos accompagnant l’annonce ne laissent aucun doute : il s’agit bien de l’usine Freix, dont les équipements n’ont pas été été dépollués. Une centaine de big bags remplis de matériaux amiantés y sont laissés à l’abandon depuis plus d’un an.
L’Advarm a alerté le maire et le préfet. La vente a été reportée.