Ex-prof dans les quartiers Nord de Marseille rattrapée par un cancer de l’ovaire dû à l’amiante

« J’ai 62 ans aujourd’hui’hui et j’ai été professeur d’école depuis 1992. Avec d’autres collègues nous avions choisi de postuler ensemble dans une école située dans une cité populaire des quartiers Nord de Marseille".

 

Cette école datait de 1973...

L’état dans lequel nous avons intégré l’école nous a fait penser sur le moment que jamais nous ne pourrions faire la rentrée de septembre normalement : dégradations multiples, poussières partout, etc… Nous nous sommes retroussé les manches pour être prêts pour la rentrée.

Cette école datait de 1973, et l’absence d’entretien l’avait laissé se dégrader considérablement au fil du temps. Mais nous avions la « gnaque » pour nous occuper de tous ces élèves. Bien sûr en 1992 nous n’avions aucune conscience de l’amiante.

Devant l’inaction de la mairie, nous avons bricolé nos classes pour les rendre belles, percé les murs pour y accrocher étagères et tableaux, nettoyer dans tous les recoins, etc etc ….

Quand la chaufferie ne fonctionnait pas, un employé de la régie m‘avait expliqué où il fallait que je tape pour la réenclencher, et je le faisais consciencieusement dans un local amianté.

Je suis restée 14 ans dans cette école.

Nous étions aussi aux premières loges lorsqu’une grande tour de la cité a été abattue dans un immense nuage de poussière qui nous est retombé dessus.

Il y a quatre ans, j’ai consulté le médecin car j’étais fatiguée et je toussais. Les diagnostics se sont enchainés : plaques pleurales, cancer de l’ovaire, atteinte de la plèvre … Une fois éliminée l’origine génétique du cancer de l’ovaire, et les plaques pleurales témoignant d’une exposition à l’amiante, c’est devenu comme une évidence que mon cancer était dû à l’amiante.

 C’était une évidence, mon cancer était  dû à l’amiante...

Il était sûr que j’y avais été exposée dans ma première école, mais les DTA (dossiers techniques amiante) des autres écoles où j’ai travaillé attestent aussi de présence d’amiante dans les locaux, notamment dans les dalles de sols toujours très abîmées.

 Les travaux scientifiques ne manquaient pas

Les travaux scientifiques attestant du lien entre cancer de l’ovaire et amiante ne manquaient pas. Avec l’association AVALÉ 13 que nous avions créée, nous les avons regroupés. J’ai informé mon oncologue qui était sceptique. Finalement nous avons quand même déposé à la Direction Académique un dossier de reconnaissance de maladie professionnelle, avec non seulement tous les certificats obligatoires, mais également divers articles scientifiques attestant du lien entre cancer de l’ovaire et amiante, et bien sûr des extraits des Dossiers techniques Amiante des écoles dans lesquelles j’avais travaillé.

 Sans association c’est impossible...

Sans association derrière, c’est impossible quand on est malade de faire ce travail. En parallèle, j’ai également déposé un dossier auprès du FIVA pour mes plaques pleurales.

Avis favorable !

Les divers contrôles médicaux se sont enchaînés : visite au médecin de prévention de l’Éducation nationale, puis visite chez un médecin agréé, puis enfin commission médicale de l’Éducation nationale.

Lors de ces divers contrôles, les praticiens ont eu à mon égard beaucoup de bienveillance et d’empathie. Contre toute attente, et sans doute grâce au dossier conséquent que nous avions déposé, j’ai eu un avis favorable des médecins, et la commission médicale a accordé la reconnaissance de la maladie professionnelle.

Actuellement, je dois revoir un médecin conseil pour évaluer mon taux d’incapacité. Mon état de santé actuel, ne m’a pas permis d’effectuer encore cette démarche.

Quelques semaines après les conclusions de la commission, le cancer de l’ovaire passait au tableau 30 ter de la Sécurité sociale.

Maintenant c’est le FIVA que j’ai relancé pour qu’il prenne en compte cette pathologie et l’aggravation de mon état général.

Je ne l’aurais jamais fait toute seule...

C’était un combat ce dossier, mais on n’a rien lâché et c’est ce qu’il faut faire. Je l’ai fait pour faire avancer la cause. Je ne l’aurais jamais fait toute seule, mais vraiment je ressens ça comme une victoire qui fait du bien au moral parce que c’est tellement injuste de laisser des enfants et du personnel s’empoisonner à l’école, qu’il ne faut pas laisser passer ça. »


Article paru dans le Bulletin de l’Andeva n°72 (janvier 2024)