25 ans après l’interdiction de l’AMIANTE en france

Des milliers d’écoles sont encore amiantées

Le 12 juin, les journalistes d’investigation de la série documentaire « Vert de rage » sur France 5 ont rendu publics les résultats de 8 mois d’enquête sur l’amiante dans les établissements scolaires. Ils révèlent une situation très inquiétante pour la santé des élèves, des enseignants et du personnel chargé de l’entretien des locaux. L’Andeva alerte Pap Ndiaye le ministre de l’Éducation nationale : il faut sortir de l’inertie et du déni, prendre la mesure de la gravité de la situation et décider un plan d’urgence, pour mettre tous les établissements scolaires en sécurité.

Un travail de bénédictins

L’enquête des journalistes de « Vert de rage » a duré 8 mois. Toutes les écoles primaires et maternelles (48 950 établissements) et toutes les mairies  propriétaires et responsables des locaux  scolaires (38 950) ont été contactées.

Aucune réponse n’a été reçue pour 31 605 écoles.

Une réponse (présence ou absence d’amiante) a été obtenue pour 19 331 écoles.Parmi elles, 5507 ont encore des matériaux contenant de l’amiante. Ce qui représenterait environ 709 000 écoliers.

L’enquête décline ces données par région, ce qui révèle des écarts importants.Le travail de bénédictin de ces journalistes complète et actualise une étude réalisée en 2016 par l’ONS (Observatoire national de la Sécurité et de l’accessibilité dans les établissements scolaires).

DTA ? Connais pas !Toutes les mairies propriétaires de locaux scolaires devraient avoir un Dossier Technique Amiante (DTA) dès lors qu’au moins un bâtiment a été construit avant 1997, année de l’interdiction de l’amiante.Ce document, réalisé par un diagnostiqueur certifié, doit dire s’il y a des matériaux contenant de l’amiante, les localiser avec précision et faire, s’il y a lieu, des préconisations.

Sur les 5507 écoles contenant des matériaux amiantés identifiées par cette enquête, 3 752 n’ont pas établi de  DTA.  Les occupants ne savent donc pas à quel endroit il y a de
l’amiante ni dans quel état. Et les mairies propriétaires se retrouvent en pleine illégalité.

Une pollution confirmée par des prélèvements surfaciques

Avec l’usure du temps et le manque d’entretien des locaux, les bâtiments se dégradent, libérant des fibres d’amiante parfois dans des proportions inattendues, comme l’ont montré les prélèvements surfaciques pour cette enquête.

« Grâce à des lingettes imprégnées, nous avons récolté des poussières sur une surface de 10 cm2, conformément à la norme ASTM D 6480 (USA) », explique le Docteur Maxime Misseri, chercheur associé à TIMR, de l’Université de technologie de Compiègne.

Ces prélèvements ont été faits dans quatorze écoles en France et envoyés à un laboratoire spécialisé amiante :

- 11 prélèvements sur 14 ont détecté des fibres d’amiante volatiles.

- 5 prélèvements sur 14 ont indiqué un dépassement de la valeur d’alerte de 5000 fibres par cm2, fixée par les autorités américaines.

Maxime Misseri milite pour que les prélèvements surfaciques fassent partie des nouvelles normes en France, notamment pour les écoles.

Le règne de l’omerta

Durant leurs 8 mois d’enquête, les journalistes de Vert-de-Rage se sont heurtés à un refus de répondre de la part de nombreux maires ou directeurs et directrices d’écoles, Ces derniers avaient souvent reçu des injonctions de la hiérarchie « Nous avons même pu mettre la main sur des mails du rectorat demandant aux directeurs et directrices d’écoles de ne pas nous répondre », explique Mathilde Cusin.

Sur les 100 plus grosses villes propriétaires d’écoles, 93 ont refusé de faire un état des lieux sur l’amiante dans leurs écoles. Sept seulement ont répondu.

« L’omerta règne, alors que sur un sujet aussi sensible que l’amiante, la transparence devrait être la règle,  dit Nathalie LACLAU, la présidente de l’AVALÉ 13.

Aujourd’hui de plus en plus d’enseignants sont conscients qu’ils accueillent des élèves ayant entre 3 et 10 ans, dans des conditions indignes et dangereuses pour tous.  Des enseignants, des personnels d’entretien ont développé des maladies liées à l’amiante et meurent dans l’invisibilité complète. Il n’y a pas de raison que cela s’arrête si les vrais responsables refusent de prendre le problème du désamiantage à bras-le-corps.

L’Éducation Nationale alterne les promesses non suivies d’effet et les menaces de sanctions contre les enseignants que la présence d’amiante dans les écoles préoccupe. Directeurs et mairies se renvoient la balle

L’Andeva et ses associations locales demandent au Ministre de l’Education nationale de décréter un plan d’urgence. »

Un impact important

L’enquête de « Vert de rage » a alerté la presse régionale qui a publié des listes d’écoles amiantées. Elle a relancé l’activité des organisations syndicales et des associations de parents d’élèves. Des associations de l’Andeva ont été reçues par des communes ou des régions. Le député Louis Boyard a posé une question d’actualité au ministre Pap Ndiaye et demandé la création d’une commission d’enquête.


Article paru dans le Bulletin de l’Andeva n°71 (juillet 2023)