truffé d’amiante et de produits toxiques, l’eX-foch a été coulé dans l’atlantique par la marine brésilienne

L’ex porte-avions français Foch, sabordé le 3 février dans l’Océan Atlantique, contenait 760 tonnes d’amiante et plusieurs centaines de tonnes de matériaux contaminés par des PCB (biphényles polychlorés) et de métaux lourds. La marine brésilienne le savait. En le coulant à 5000 mètres de profondeur elle assume sciemment une contamination de l’écosystème marin par des produits hautement et durablement toxiques. Les ONG dénoncent une catastrophe écologique, en violation de 3 traités internationaux.

Il faut tirer les leçons de ce scandale sanitaire. Le démantèlement et le recyclage des navires en fin de vie sont des opérations à hauts risques qui doivent être exécutées par des chantiers certifiés et sécurisés. Ils ne présentent pas de difficulté technique insurmontable, à condition d’en payer le prix pour qu’ils soient faits en toute sécurité. Confier cette tâche à des « désamianteurs aux pieds nus » d’Asie du Sud-Est est un crime social. Couler ces navires truffés de toxiques sans les dépolluer est un crime environnemental.

Le silence assourdissant du gouvernement français à l’annonce de ce naufrage est affligeant. En tant que pays constructeur du navire, la responsabilité morale de la France est engagée. Elle aurait dû intervenir publiquement pour que le Foch soit démantelé  et recyclé en sécurité, comme l’avait été finalement le Clemenceau, son frère jumeau, il y a sept ans en Grande-Bretagne.  Elle aurait dû s’opposer publiquement à ce sabordage irresponsable qui risque de faire école.

L’être humain doit être respectueux de son environnement. La mer n’est pas une poubelle.

L’ex-Foch, rebaptisé São Paulo a été vendu par la France au Brésil en 2000 puis revendu début 2021 par le Brésil à une société turque (SOK Denizcillik) pour être dépollué et déconstruit.

Une coque vouée à la casse

Ce n’était plus un navire, mais une coque vouée à la casse d’une longueur de 266 mètres et d’un poids de 30 000 tonnes, une coque qui ne se déplaçait que tirée à petite vitesse par un remorqueur néerlandais.

Sa dépollution et sa déconstruction devaient se faire sur un chantier turc, près d’Izmir. Mais les choses ne se passèrent pas comme prévu.

Avant le départ, une ONG (Shipbreaking Platform) révéla que les quantités de substances toxiques à bord avaient été fortement sous-évaluées.

Le 22 août 2022, face à une mobilisation citoyenne grandissante, la Turquie refusa l’entrée du navire dans ses eaux territoriales. L’ex-Foch dut rebrousser chemin.

Une autre voie était possible

A ce stade, une autre solution était encore possible. La coque du São Paulo aurait pu être accueillie dans un port brésilien pour être réparée. Un nouveau repérage des substances toxiques aurait pu être confié à une expertise indépendante, comme le demandaient les ONG, pour sécuriser la déconstruction.

Mais la coque maudite, interdite d’accostage dans tous les ports, fut réduite à tourner en rond dans les eaux territoriales du Brésil.

Après quelques mois d’errance, la marine brésilienne reprit en main le remorquage, puis annonça publiquement le 20 janvier son intention de couler le São Paulo, pour « protéger le littoral » (sic) !

Un sabordage inutile et illégal

La ministre brésilienne de l’Environnement tenta de stopper l’opération par une action en justice, mais les juges cautionnèrent sans état d’âme ce naufrage programmé.

Le 3 février 2023, la marine brésilienne annonça qu’elle avait coulé le São Paulo en haute mer à l’aide d’explosifs et qu’il gisait à 5000 mètres  de profondeur dans l’Océan Atlantique.

Le sabordage du Foch a jeté à l’eau non seulement des millions de dollars d’acier recyclable mais aussi des  substances chimiques redoutables.

Une contamination des écosystèmes marins

Pendant des décennies, l’épave du Foch libérera des métaux lourds et des PCB (polychlorobiphényles) qui s’infiltreront dans l’environnement marin.

Le Clemenceau, frère jumeau du Foch, contenait des centaines de tonnes de matériaux contaminés par des PCB retrouvés lors de sa déconstruction au Royaume Uni, il y a sept ans. Ces produits chimiques sont particulièrement nocifs pour l’environnement et les les êtres vivants. Ils sont nuisibles à la faune et contaminent la chaîne alimentaire, après avoir été ingérés par des poissons et d’autres animaux marins.

Une violation délibérée de 3 traités internationaux

Greenpeace, Basel Action Netword (Ban), Sea Shepherd et d’autres organisations non gouvernementales (ONG) ont dénoncé une violation délibérée de trois traités internationaux :

- la Convention de Bâle qui impose un retour au pays exportateur en cas d’échec d’un transfert transfrontalier de déchets,

- la Convention de Stockholm sur les  polluants organiques persistants qui interdit  l’élimination de PCB en mer,

- et la Convention de Londres qui interdit de couler un navire sans l’avoir débarrassé des substances toxiques qu’il contient.

« Ce qui s’est passé hier soir restera dans l’histoire comme la violation la plus flagrante des traités sur les produits chimiques et les déchets jamais commise par un pays», a déclaré Nicola Mulinaris de l’ONG Shipbreaking Platform.

« Une enquête indépendante sur les raisons pour lesquelles cela s’est produit doit être entreprise pour s’assurer qu’une telle chose ne se reproduise plus jamais. »




L’Andeva critique le « silence assourdissant » du gouvernement français

Ni la publication d’un inventaire incomplet des toxiques restant sur le Foch ni l’annonce par la marine brésilienne d’un sabordage en haute mer n’ont provoqué de réaction de la France..

Tout se passe comme si le président Macron avait perdu la parole. Il avait pourtant été alerté dès 2019 par une lettre de Eliezer Joao de Souza et Fernanda Giannasi, de l’Abrea, l’association de victimes brésiliennes.

En tant que pays constructeur du Foch, la France a une responsabilité morale.

Jacky Bonnemain, de l’association Robin des Bois, a rappelé que « dans la licence d’exportation de l’ex-Foch en 2000, il était bien précisé que les conditions du démantèlement du porte-avions devaient être approuvées préalablement par les autorités françaises ».

Le ministère français de la Défense savait qu’un repérage de 9,6 tonnes de matériaux contenant de l’amiante (au lieu de 760 !) était une mascarade mettant en danger les opérateurs.

L’Etat français connaissait assez les conventions internationales pour s’opposer publiquement au sabordage en haute mer du navire qu’il avait construit, même s’il n’en était plus propriétaire.


Article publié dans le Bulletin de l’Andeva n°70 (février 2023)