En 2013, l’Institut National de Recherche et de Sécurité (INRS), avait étudié l’exposition à l’amiante d’une population de plombiers-chauffagistes, en la comparant avec leur perception du risque.

Les résultats de cette étude menée en collaboration avec la Confédération de l’Artisanat et des Petites Entreprises du Bâtiment (CAPEB) et avec l’Institut de Recherche  et d’Innovation sur la Santé et la Sécurité au Travail (IRIS-ST), étaient préoccupants.

Ils montraient un grand écart entre la réalité des expositions à l’amiante (objectivée par des mesures sur opérateur) et une perception insuffisante voire inexistante du risque amiante. Neuf années ont passé.
La situation n’a guère progressé.

« 41% des professionnels exposés pensaient ne jamais avoir été en contact avec des fibres d’amiante »

Le plombier chauffagiste met en place, répare et entretient des tuyauteries d’eau et de gaz, des appareils de chauffage, de climatisation ou de ventilation (VMC, conduit d’évacuation des fumées) ainsi que des installations sanitaires (salle de bain, toilettes).

Il intervient sur des chantiers de bâtiments neufs ou des chantiers de rénovation. Il peut donc encore aujourd’hui inhaler des fibres d’amiante sans même le savoir.

Un dispositif simple et efficace

En 2013, pour évaluer le risque amiante dans une population de plombiers-chauffagistes susceptibles d’avoir été exposés, l’INRS avait mis en place un dispositif simple et efficace : en distribuant à des volontaires un badge passif de prélèvements et un carnet de chantier à remplir. 

Ce badge passif, déjà utilisé au Royaume Uni, collecte les fibres par attraction électrostatique. Fonctionnant sans pompe, Il est léger, peu coûteux et s’accroche facilement sur un vêtement de travail. Autonome, il permet de réaliser des prélèvements de longue durée. Ce qui facilite la détection d’épisodes de pollution occasionnelle.  Il est aussi réutilisable.

Testés pendant une semaine de travail

Ce badge a été envoyé par la poste à des volontaires qui devaient le porter en travaillant pendant une semaine, puis le renvoyer à l’INRS avec un carnet de chantier rempli.

Ce carnet contenait une fiche individuelle pour évaluer la connaissance du risque amiante chez l’opérateur ainsi que des fiches d’intervention pour cerner la nature des interventions réalisées et le mode opératoire utilisé et pour faciliter le repérage de situations de travail exposantes.La majorité des interventions avaient eu lieu dans des maisons individuelles, avec des actions typiques du métier  (perçage, grattage, soudure...)

La présence d’amiante confirmée

- 63 badges ont été analysés. 22 contenaient des fibres d’amiante (35%).

Deux badges contenaient aussi des fibres céramiques réfractaires (FCR) cancérogènes.

Des expositions méconnues

- Quand des fibres ont été détectées, 41% des opérateurs ont affirmé qu’ils n’avaient jamais été en présence de matériaux contenant de l’amiante lors d’une intervention.

Des moyens de prévention inutilisés ou inadaptés

- 63% des volontaires exposés n’avaient jamais mis en oeuvre de moyens de prévention.

- 14% ont affirmé s’être protégés systématiquement. Mais, la moitié d’entre eux avait utilisé des équipements de protection inadaptés tels que des masques en papier jertables ou des aspirateurs domestiques qui remettent des fibres toxiques en suspension dans l’air (contrairement aux aspirateurs professionnels à filtre absolu).

Une formation insuffisante

Les fiches individuelles des volontaires montrent qu’il ne s’agissait pas d’opérateurs débutants inexpérimentés. La plupart étaient des chefs d’entreprise « autoformés sur le tas » avec au moins 20 ans d’expérience !

Seuls 2 volontaires avaient suivi une formation au risque amiante par un organisme agréé.

Seuls 4 volontaires avaient un suivi médical amiante.

BTP : 900 000 personnes concernées

Cette étude a été un bon outil pour favoriser une prise de conscience du risque amiante et encourager des actions de prévention.

Mais, neuf ans plus tard, force est de constater que le problème de la conscience du risque amiante dans le second oeuvre du BTP demeure non résolu.

Il y a en France 15 à 20 millions de tonnes de matériaux contenant de l’amiante encore en place.

Dans le BTP, 900 000 ouvriers du second oeuvre sont exposés à ces fibres cancérogènes. Ils sont plombiers-chauffagistes, mais aussi tuyauteurs, tôliers chaudronniers, électriciens, soudeurs...

Si rien ne change, c’est dans ces métiers que se recrutera la prochaine génération de victimes de l’amiante.


 Article publié dans le Bulletin de l’Andeva n°70 (février 2023)