Le travail peut user, le travail peut empoisonner, tel est le constat que peut faire, jour après jour, une association de victimes de l’amiante et d’autres maladies professionnelles telle que l’Andeva.

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Les salariés ne sont pas tous  égaux face à la retraite.

En moyenne, chez les hommes de 35 ans l’espérance de vie d’un cadre est plus longue de 6 ans que celle d’un ouvrier.  Et l’écart entre les deux est encore plus fort, si l’on compare leur espérance de vie sans incapacité.

Les travailleurs qui font des métiers pénibles ou dangereux pour leur santé doivent partir en retraite plus tôt que les autres. Cette exigence de justice a fait son chemin. Elle est fondamentale.

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Le ministre du Travail, Olivier Dussopt, a annoncé que la réforme des retraites  permettrait une « amélioration de la prise en compte de la pénibilité ». On peut sérieusement en douter.

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Avec le gouvernement Macron, les dispositifs existants ont régressé.

Le Compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P), créé en 2014, permettait à des salariés exposés à des conditions de travail éprouvantes d’accumuler des points pour financer un départ à la retraite jusqu’à deux ans plus tôt, ou des formations, ou un temps partiel sans baisse de salaire.

A l’origine, ce dispositif prenait en compte dix facteurs de risques :          
-- des contraintes physiques : port de charges lourdes, vibrations mécaniques, postures pénibles   ;          
-- un environnement  agressif : agents chimiques dangereux, travail en milieu hyperbare, températures extrêmes, bruit ;
-- des rythmes de travail : travail de nuit, en équipes successives alternantes, répétitif.

Dès 2017, le gouvernement Macron a remplacé le C3P par le compte de prévention (C2P) en supprimant quatre facteurs de risques : le port de charges lourdes, les postures pénibles, les vibrations mécaniques et les risques chimiques. Un grand retour en arrière, sous la pression insistante du Medef.

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Aujourd’hui, dans son projet de réforme des retraites, le gouvernement annonce la création d’un fantomatique « Fonds d’investissement dans la prévention de l’usure professionnelle » dont la mission serait de  « cofinancer avec les employeurs des actions de prévention (sensibilisation, aménagement de postes, formation et reconversion) au bénéfice de ces salariés exposés ». En réalité, ce fonds en trompe l’oeil ne concernerait que trois « risques ergonomiques » (port de charges lourdes, postures pénibles, vibrations mécaniques) et ne permettrait pas aux travailleurs concernés d’avancer l’âge de leur départ en retraite.

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En tout état de cause, aucun de ces dispositifs ne prend en compte le risque lié à l’exposition à des agents chimiques dangereux !

Une telle carence volontaire est scandaleuse.

Aujourd’hui en France, près de 2,2 millions de travailleurs sont exposés à des agents cancérogènes (enquête Sumer) et des millions d’autres à toutes sortes de produits toxiques ou nocifs.

Les associations de l’Andeva reçoivent chaque jour dans leurs permanences des travailleurs âgés, rattrapés après  leur retraite par un cancer professionnel, souvent de sombre pronostic, plusieurs décennies après avoir été exposés.

S’ils ont été exposés à l’amiante, certains auront pu - sous certaines conditions - bénéficier d’une allocation de cessation anticipée d’activité réparant leur perte d’espérance de vie.

S’ils ont été exposés à d’autres agents cancérogènes professionnels, ils partiront en retraite au même âge que tout le monde. Pour le Medef, c’est « tout bénef » ! Non seulement leur perte d’espérance de vie n’aura pas été prise en compte, mais encore le coût de leur retraite sera « allégé » car ils en profiteront moins longtemps !

Cette ignorance délibérée du risque chimique, omniprésent dans l’industrie, en dit long sur  la politique du gouvernement.

Jacques FAUGERON
Alain BOBBIO


Article publié dans le Bulletin de l’Andeva n°70 (février 2023)