Des traitements par immunothérapie et chimiothérapie avant une intervention chirurgicale pourraient diminuer de 40% le risque de décès, selon une étude coordonnée par l’Institut du Thorax Curie Montsouris. Ce protocole a été validé récemment aux États-Unis.
« En associant immunothérapie et chimiothérapie avant la chirurgie d’un cancer du poumon opérable, le risque de récidive à deux ans diminue de 37% et celui de décès de 40%. Nous n’avons pas plus de recul pour l’instant, mais s’il n’y a pas plus de récidives dans ce délai, il est probable qu’il n’y en aura pas à cinq ans. »
C’est ainsi que le Pr Nicolas Girard, oncologue et pneumologue, directeur de l’Institut du Thorax Curie Montsouris, a présenté le 11 avril 2022, la phase 3 d’une étude internationale (Checkmate-816) au congrès de l’American Association for Cancer Research (AACR).
Cette étude, coordonnée par l’Institut du Thorax Curie Montsouris, a inclus 358 patients. Elle a été publiée dans le New England Journal of Medicine.
« L’étude porte sur des cancers non à petites cellules (80% des cancers du poumon) avant qu’ils ne soient métastatiques, précise Nicolas Girard. Le traitement consiste à associer trois séances d’immunothérapie (avec le Nivolumab) et une chimiothérapie classique, avant la chirurgie ». Cela prend deux mois. « On peut considérer que c’est un risque pour le patient, mais les résultats montrent le contraire. »
D’autres études avaient déjà testé un traitement similaire en post-opératoire, avec des résultats moins prometteurs. Le Pr Girard estime que cette avancée confirme l’efficacité d’une prise en charge pluridisciplinaire du patient par « une équipe de pneumologues, chirurgiens, oncologues thoraciques et anatomopathologistes ». *
L’Agence fédérale de santé américaine (FDA) a autorisé le traitement aux USA.
* Voir communiqué du21 avril 2022 sur le site de l’Institut Curie : curie.fr
Quel suivi des populations à risques ?
L’efficacité du traitement est liée à la précocité du diagnostic. Cette étude devrait relancer le débat sur le protocole de suivi médical des personnes à risques : les gros fumeurs bien sûr, mais aussi les personnes exposées à l’amiante et particulièrement les porteurs de plaques pleurales.
En 2016, la Haute autorité de Santé (HAS) avait dit que les conditions n’étaient pas réunies pour un dépistage du cancer du poumon.
Le 1er février 2022, elle a infléchi sa position « L’analyse des nouvelles données disponibles montre que le dépistage par scanner à faible dose chez les personnes fortement exposées au tabac conduit à une réduction de la mortalité spécifique.
Ceci amène la HAS à actualiser son avis et à encourager la mise en place d’expérimentations en vie réelle, et notamment d’un programme pilote par
l’INCa, afin de ne pas retarder l’accès à cette modalité de dépistage. »
Le Professeur Girard est partisan d’un dépistage à grande échelle : « Les pays qui le réalisent dépistent 40% des tumeurs au stade précoce, alors que nous n’en détectons que 20% »
Le cancer le plus meurtrier
Dans le monde, le cancer du poumon est la principale cause de décès par cancer avec 1,8 million de décès en 2020. En France, il est le 3e cancer le plus fréquent. Son incidence progresse fortement chez les femmes.
Le cancer du poumon « non à petites cellules »
(CPNPC) représente jusqu’à 84 % des diagnostics dont la majorité (environ 60%) sont non métastatiques.
De nombreux patients atteints de CPNPC non métastatique sont opérés, mais 30% à 55 % d’entre eux font une récidive.
Le recours à des traitements néo-adjuvants (avant chirurgie) ou adjuvants (après la chirurgie) pourrait améliorer l’espérance de vie des patients.
Article paru dans le Bulletin de l'Andeva n°68 (juin 2022)