Animée par le docteur Marie Pascual, de l’association Bernardino Ramazzini,  la première table ronde  aborda la question de la douleur, très présente chez les personnes atteintes de cancers. Sa prise en compte et son traitement laissent encore trop souvent à désirer.

« Corine Renou Nativelle témoigne : « Mon père  a 76 ans, il a un mésothéliome. Il ne parle pas de sa douleur. Pour lui, on ne doit pas s’écouter. L’Andeva a un rôle à jouer pour aider à en parler. J’ai  participé à des réunions sur la douleur au sein de l’Andeva où cette question était portée par une personne atteinte d’un mésothéliome jeune, dont le souci était de s’emparer de cette question sans forcément dépendre des médecins ».

Céline Guérin Faucher, chargée de cette question auprès de la MGEN explique que la douleur a plusieurs composantes (sensorielle, émotionnelle, cognitive et comportementale). « C’est cet ensemble qu’il faut prendre en compte dans le traitement de la douleur. Chaque personne a un vécu différent ».

Il y a des douleurs aiguës et des douleurs chroniques, fréquentes en cas de cancer, qui peuvent engendrer fatigue, insomnies, anxiété, voire dépression.

Le code de déontologie et le code de la santé publique ont intégré progressivement l’obligation pour le médecin de « s’efforcer de soulager les souffrances de son malade » et le droit pour toute personne de « recevoir des soins visant à soulager sa douleur. »

Elle ajoute que « le traitement d’un cancer ne s’arrête pas au traitement de la maladie. Les soins de support concernent tous les soins qui permettent de gérer les conséquences de la maladie et les effets secondaires des traitements mais aussi — après la maladie — l’aide à la reprise d’une activité physique, le soutien psychologique, l’amélioration de l’image de soi, le suivi social, la diététique, l’aide à l’arrêt de produits addictifs (tabac, alcool...) et les soins palliatifs. »

Il y a en France, 243 centres anti-douleur. Il faut un avis d’un médecin pour y avoir accès. Une carte des centres est accessible sur le Net :

Le Dr Magali PIERRAT, de la clinique de médecine palliative du CHU de Lille, explique que « la douleur dans la maladie cancéreuse est une maladie dans la maladie,  avec une complexité évidente compte tenu de toutes ses dimensions. Seule une prise en charge globale et pluridisciplinaire peut être adaptée. »

En France, la prévalence de douleur chronique est de 28% chez les malades atteints d’un cancer, de 75% pour les cancers à un stade avancé et de 40% chez les malades guéris.

De très grands progrès ont eu lieu dans le traitement du cancer avec une forte augmentation du taux de survie. Mais la prévalence de la douleur est restée quasiment identique.

Pour un médecin, un patient qui ne se plaint pas est un patient qui n’a pas mal. Mais pense-t-il à lui poser systématiquement la question ? Et quelle formation a-t-il reçue dans ce domaine ?

Pour les 6 premières années de médecine, à la faculté de Lille, seules 7 heures de cours portent sur la douleur !

Pourtant les mécanismes physiopathologiques sont complexes. Il y a des douleurs classiques et des douleurs  neuropathiques liées à une atteinte des nerfs. Il faut savoir les différencier pour les traiter.

Des préjugés peuvent être un frein au traitement de la douleur : par exemple l’idée que « c’est normal d’avoir mal lorsqu’on a un cancer » ou l’idée que « le traitement morphinique rend accro »...

Il faut des traitements adaptés : des antalgiques usuels comme la morphine, le paracétamol, le tramadol, mais aussi des traitements à visée neuropathique tels que  des antidépresseurs ou des anticonvulsivants.

Le traitement doit être expliqué au patient et à sa famille pour être accepté et suivi. Et l’on peut prévenir certains effets indésirables tels que nausées ou vomissements.

Le meilleur expert de la douleur c’est le patient lui-même. Il faut le croire lorsqu’il dit qu’il a mal, l’écouter. La qualité de la relation médecin-malade est importante pour une bonne prise en charge.

La qualité de vie des aidants est altérée par la plainte douloureuse du patient. L’aidant est à la fois co-patient car il souffre avec son proche et co-thérapeute car il s’implique dans la prise en charge médicale. Une responsabilité pas toujours simple. D’où l’importance de le soutenir.

Dans la salle, Jean-Paul Carret (Aper Lyon) et Lydie Jablonski (Adevartois) évoquent d’importantes difficultés d’accès aux centres anti-douleur.

Marie Pascual dit qu’il y a un gouffre entre la prise en charge réelle et les textes ou la théorie. Les citoyens, les associations doivent s’emparer de ces questions, acquérir les connaissances nécessaire pour pouvoir accéder à des soins de qualité.

Sophie ROY, présente la méthode Feldenkrais (du nom de son créateur) qui est mise en oeuvre par 12 000 praticiens dans le monde, après quatre ans de formation.

C’est une méthode dite somatique qui prend le mouvement comme fil conducteur. C’est un processus d’apprentissage dont le but est d’atteindre un fonctionnement physique et mental qui permette de trouver ce qui est le mieux pour soi

Pour des malades ou des personnes âgées, cette méthode agit avec leur potentiel pour les amener en douceur à être de nouveau capables de faire.

On va soulager les tensions et les douleurs, restaurer la confiance en soi en apprenant de nouvelles stratégies de mouvement pour devenir capable de faire la même chose autrement et de retrouver le plaisir du mouvement.

L’apprentissage de cette méthode peut se faire par des leçons individuelles ou collectives (les deux sont complémentaires).

Une remarquable contribution sur le parcours de soins des patients atteints d’un mésothéliome a été diffusée aux participants. Elle a été rédigée par Daniela Degiovanni, cancérologue, qui a suivi pendant 3 décennies  les malades de Casale Monferrato, ville-martyre de l’amiante en Italie.


Article paru dans le Bulletin de l’Andeva n°67 (janvier 2022)