Quel contraste entre la célérité de réaction des autorités sanitaires pour prévenir la vache folle ou la fièvre aphteuse et la lenteur des mesures de prévention du risque amiante ! On est en droit de se demander s’il n’y a pas deux poids, deux mesures dans la politique de santé publique du gouvernement.

Nous sommes toujours en attente, depuis un an et demi, d’un décret sur le repérage, la gestion et le traitement des bâtiments contenant de l’amiante. Ce texte, pour lequel l’Andeva a fait des propositions précises à la Direction générale de la santé, n’a toujours pas été publié, alors que les travailleurs du bâtiment continuent d’être exposés, souvent sans le savoir, en intervenant dans des immeubles qui contiennent de l’amiante.

L’importance de la catastrophe est pourtant confirmée par une enquête du journal « Le Point » du 30 mars : 3500 victimes de cancers de l’amiante recensées dans les hôpitaux, en 1998 !
3500 victimes dont un tiers de femmes et l’apparition de malades frappés de plus en plus jeunes. Ces chiffres confirment ce que nous savions : même avec un faible niveau d’exposition, le risque existe.

De même, comment qualifier la passivité des pouvoirs publics devant des chantiers de déflocage menés en dépit du bon sens, avec des conséquences désastreuses pour la contamination des
travailleurs et de l’environnement ? Qu’attend le gouvernement pour se doter de moyens de contrôle et de surveillance de ces chantiers à la hauteur des enjeux de santé publique qu’ils représentent ?

Et que dire des lenteurs de la justice ? Cinq ans après les premiers dépôts de plainte, le dossier pénal est au point mort. Malgré les centaines de procédures devant les Tass et les Civi, les confirmations des cours d’appel qui ont conclu à l’existence
de fautes inexcusables ou d’éléments matériels d’infractions pénales, pas un seul procureur de la République n’a souhaité ouvrir d’information judiciaire pour rechercher les responsabilités et punir les coupables.

Comment justifier ce déni de justice ? Les magistrats sont certes débordés, mais comment expliquer qu’une paire de bottines à 11000 Francs ou qu’un financement occulte de parti politique mérite davantage la mobilisation de l’appareil judiciaire qu’une catastrophe sanitaire qui était évitable et qui fera au total plus de 100 000 morts en France ?

C’est ce message que nous entendons faire parvenir à Madame Elisabeth Guigou. Les victimes ne peuvent pas se contenter de bonnes paroles. Nous exigeons des engagements clairs du gouvernement : sur les délais de reconnaissance des maladies professionnelles (sans inventer de nouveaux obstacles au fur et à mesure que nous les surmontons) ; sur une mise en place rapide du Fonds d’indemnisation avec une réparation des préjudices subis par les victimes à la hauteur des décisions de justice les plus favorables ; sur la mise en oeuvre effective du suivi médical post-exposition et post-professionnel après deux années d’inertie ; sur une cessation anticipée d’activité élargie,
simplifiée, plus équitable, enfin ouverte à toutes les personnes contaminées, quelle que soit leur maladie.

François DESRIAUX
Président de l’ANDEVA



Article paru dans le bulletin de l’Andeva N°8
(avril 2001)