- Les responsables de catastrophes sanitaires doivent être jugés. Or la loi Fauchon dresse un obstacle supplémentaire à leur condamnation au pénal.

- L’Andeva demande aux parlementaires de prendre position pour une révision de cette loi.

Afin de rassurer les élus locaux, qui redoutaient d’être traduits en justice quand un accident survenait dans leur commune, le gouvernement et le parlement n’ont pas hésité à modifier en profondeur et dans la précipitation le Code pénal en 2000. Au lieu de responsabiliser les élus et les décideurs, publics et privés, majorité et opposition ont préféré « bricoler » le code pénal pour atténuer leur responsabilité en cas de délits « non intentionnels », au détriment de la santé publique et de la prévention. Présentée par Fauchon, sénateur du Loir-et-Cher, la loi du 10 juillet 2000 sur les délits non intentionnels (« blessure ou homicide involontaire ») introduit une distinction entre les auteurs directs d’un délit (ceux qui provoquent directement le dommage) et les auteurs indirects (ceux qui ont créé la situation à l’origine du dommage ou qui n’ont pas pris les mesures permettant de l’éviter). En clair elle distingue l’exécutant – qui sera poursuivi avec la plus grande sévérité – du décideur – qui ne sera poursuivi que dans des circonstances exceptionnelles.

Le projet de cette loi a été dénoncé à l’époque par l’ANDEVA, le Comité anti-amiante Jussieu et dix associations de victimes. Nous avons alerté sur les conséquences graves de cette loi pour la prévention et la santé publique. Car une catastrophe sanitaire a souvent des responsabilités indirectes (ne pas interdire un produit toxique) ; elle est souvent aussi le résultat de plusieurs décisions (ou nondécisions) indirectes. Ce projet de loi instaurait de fait une amnistie anticipée des décideurs. La mobilisation des associations a permis que le texte final de la loi soit un peu moins laxiste que la proposition initiale : la possibilité de poursuivre en justice des responsables de catastrophes sanitaires reste ouverte, mais la tâche est devenue bien plus difficile.

Dorénavant, pour mettre en examen un responsable indirect d’une catastrophe, il faudra prouver que celui-ci a soit « violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement  », ce qui est très restrictif , soit « commis une faute caractérisée et qui exposait à un risque d’une particulière gravité qu’elles ne pouvaient ignorer », ce qui est plus large et laisse quelque possibilité de mettre en examen un responsable indirect. Si cette deuxième possibilité est dans la loi c’est que les associations ont obtenu qu’elle soit rajoutée...

La loi Fauchon n’en reste pas moins « un obstacle supplémentaire dans l’instruction des affaires de santé publique », comme l’a dit devant la mission amiante du Sénat la juge Bertella- Geoffroy qui instruit la plainte de Jussieu. C’est elle qui a servi à fonder le non-lieu de Dunkerque.

C’est pourquoi l’Ardeva Nord - Pas-de-Calais a écrit aux 880 députés et sénateurs pour leur demander de prendre position en faveur d’une révision de la loi Fauchon. 50 l’ont déjà fait.


Article paru dans le Bulletin de l’Andeva N°17 (octobre 2005)