Maryse et Suzanne ont chacune perdu leur mari, décédé d’un mésothéliome. Elles ont décidé de poursuivre leur employeur, Alstom et Babcock, afin de faire reconnaître la faute inexcusable de ces entreprises. Elles viennent de gagner leur procès au bout de deux ans environ. La reconnaissance de cette faute était leur première motivation. Elles expriment leur satisfaction et leur soulagement tout en soulignant que cette victoire ne remplacera pas la perte douloureuse de leur compagnon.
" J’ai du mal à accepter de l’argent en contrepartie de la vie de mon mari ",dit Suzanne, 76 ans.
Son mari est tombé malade en 1990. Il est mort d’un mésothéliome en 1999, à l’âge de 71 ans.
Pour Suzanne, la reconnaissance de la faute de son employeur, Babcock, primait sur l’argent.
Le jugement a été prononcé le 10 octobre dernier par le Tass de Paris. Elle, aussi, attend le jugement écrit et ne sait pas si cette société va faire appel. Elle a obtenu 135.000 euros.
"Je sais qu’au Fiva, on est presque sûr d’obtenir une réparation financière.
Je comprends que l’on puisse avoir besoin d’argent et que l’on veuille être certain d’avoir gain de cause, mais pour moi il est dommage de ne pas essayer de faire condamner une entreprise responsable de la contamination de ses employés. Ce n’est pas elle qui reconnaîtra ses torts d’elle-même ! C’est grave de mettre la vie des gens en danger pour un travail.
Un procès, c’est plus aléatoire et cela peut prendre du temps même si, dans notre cas, la procédure a été relativement rapide. Elle a duré deux ans.
Finalement, mes fils et moi, nous nous sentons soulagés et contents mais toujours en colère parce que les patrons savaient et n’ont pourtant rien fait ! "
Propos recueillis par Pierre Luton
Article tiré du Bulletin de l'Andeva N°12 (janvier 2004)
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Maryse et Suzanne ont chacune perdu leur mari, décédé d’un mésothéliome. Elles ont décidé de poursuivre leur employeur, Alstom et Babcock, afin de faire reconnaître la faute inexcusable de ces entreprises. Elles viennent de gagner leur procès au bout de deux ans environ. La reconnaissance de cette faute était leur première motivation. Elles expriment leur satisfaction et leur soulagement tout en soulignant que cette victoire ne remplacera pas la perte douloureuse de leur compagnon.
"Avec le temps, je me suis dit ça irait mieux. Mais, aujourd’hui, j’ai encore beaucoup de rage » , témoigne Maryse, 53 ans, qui a perdu son mari en 2000.
Le frère de son mari est mort en juillet 2000 d’un mésothéliome. En septembre, son mari, âgé de 50 ans, est tombé malade et est également décédé d’un mésothéliome en novembre de la même année.
Maryse vient de gagner contre la société Alstom où son mari et son beau-frère ont été contaminés par l’amiante.
"Le fait que cette société ait été condamnée pour faute inexcusable me soulage, mais, en même temps, je sais que mari ne sera jamais remplacé. Je n’ai pas encore tourné la page. "
Elle s’empresse d’ajouter qu’elle attend le jugement écrit et qu’elle ne sait toujours pas si Alstom va faire appel du jugement. Le jugement a été prononcé le 12 décembre dernier par le Tass (Tribunal des affaires de Sécurité sociale) de Bobigny.
Maryse estime que le procès a été assez rapide mais aussi éprouvant. Toute l’année 2003 a été une année de procédure avec une remise d’audience.
« Nous avons obtenu environ 150.000 euros pour le décès de mon mari et les préjudices subis par ma fille et moi. Mais ce n’est pas vraiment l’argent qui m’intéresse. Je voulais avant tout obtenir une reconnaissance et entendre dire qu’Alstom avait mis en danger des êtres humains.
Bien sûr, l’argent est bienvenu car j’ai du mal à gérer ma vie en ce moment et à entretenir la maison que nous avions achetée ensemble.
Au final, j’aurais toujours obtenu cette reconnaissance. Je suis arrivée à mes fins et j’ai aussi pu témoigner et prévenir les collègues de mon mari et tous les autres afin qu’ils ne subissent pas ce que nous avons subi. "
Article tiré du Bulletin de l'Andeva N°12 (janvier 2004)
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MONIQUE (VieuxMaire au Raincy) : « J’avais 15 ans, et je cousais des mouffles en amiante. »
Monique sortait de l’école quand elle a trouvé du travail dans une petite usine, à deux pas de la maison de ses parents. Un demi-siècle plus tard, elle a été rattrapée par un mésothéliome. Elle témoigne.
J’ai travaillé trois ans et demi chez Vieuxmaire au Raincy (93), une petite entreprise qui fabriquait des joints en amiante pour l’automobile et des vêtements anti-feu en amiante pour les pompiers.
Ma chef et moi devions découper et assembler des mouffles et des cagoules de pompier.
Le tissu d’amiante arrivait en grands rouleaux de 1,20 mètre.
Les rouleaux étaient empilés les uns sur les autres. Ce n’était jamais le bon qui était sur le dessus. J’escaladais la pile de rouleaux en faisant la « fofolle ». Nous avions souvent des fous rires...
Quand je trouvais le bon rouleau, nous le descendions à deux. Nous le déroulions sur une table posée sur des tréteaux.
Puis, il fallait plier la «  rame   » de tissu en accordéon sur plusieurs épaisseurs pour qu’elle passe dans la machine.
N’ayant pas 16 ans, je n’avais pas le droit d’utiliser les machines, mais j’ai dû m’y mettre avant l’âge requis.
Les chutes de tissu d’amiante allaient dans une poubelle ordinaire. En sortant de l’école, mon jeune frère passait devant l’usine. Ses copains et lui jouaient avec ces bouts de tissus. A l’époque, nous ne savions rien des dangers de l’amiante. Dans cette usine, je n’ai jamais entendu quelqu’un en parler.
Quand il faisait beau on faisait le pliage à l’extérieur ; quand il faisait mauvais, c’était dans l’atelier. La poussière d’amiante voltigeait dans les locaux. La manipulation des tissus en soulevait plus que celle des joints. En les pliant, on la voyait s’envoler...
Le vendredi soir, je faisais un grand nettoyage, une semaine sur deux, en alternance avec une autre fille de mon âge, qui emballait les cartons de joints. Il y avait beaucoup de poussière, qu’on balayait à sec, avec un balai de coco.
L’entreprise ne lavait pas nos blouses. Je ramenais les miennes à la maison. Nous étions six enfants. Il n’y avait pas de machine à laver. Ma mère lavait nos vêtements à la main.
J’ai quitté Vieuxmaire. J’ai été mécanicienne sur machines à coudre, vendeuse de grands magasins, puis j’ai travaillé 26 ans à la SAFT. J’ai pris ma retraite, en 1998.
L’an dernier, j’ai commencé à ne pas me sentir bien. J’étais essoufflée, je n’avais plus d’énergie pour recevoir des amis. J’ai passé des examens. Les médecins n’ont rien vu.
Un jour la situation est devenue invivable. Dès que je montais un escalier et même en marchant en terrain plat, j’étais essoufflée.
On m’a fait passer des radios. En voyant les premiers clichés, je n’ai pas pensé à l’amiante, mais j’ai tout de suite compris que j’avais quelque chose de grave aux poumons.
Ma chef avait déclaré une asbestose pulmonaire en 2000. Sa maladie a été reconnue. J’ai été, moi aussi, indemnisée par le Fiva.
J’ai été étonnée d’apprendre que le danger de l’amiante était connu depuis longtemps. Si mes parents l’avaient su, ils ne m’auraient jamais fait rentrer dans cette usine !
L’Addeva 93 m’a beaucoup aidée. Elle fait travail formidable. Merci à Maribel pour sa gentillesse.
Article paru dans le Bulletin de l’Andeva n°45 (avril 2014)
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jean Dalla Torre a 82 ans. Au cours d’une vie professionnelle bien remplie, il a été électricien pendant 4 ans.
"Quand on vit, il n'y a pas l'ombre d'une seconde à perdre"
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Il y a 12 ans, Ahmed**, un ouvrier du bâtiment, témoignait de sa vie gâchée et de son amertume d’avoir respiré l’amiante sans connaître ses dangers. Il était notamment intervenu à l’usine d’amiante CMMP d’Aulnay. Ahmed nous a quittés peu après avoir écrit ce témoignage que nous lisons avec la même émotion qu’il y a 12 ans.
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S’il était permis de plaisanter sur des sujets touchant à la santé et à la vie humaine, on dirait sans hésiter qu’Henri Boumandil devrait figurer dans le Guiness des records. Atteint de deux maladies liées à l’amiante, des plaques pleurales et une asbestose, il a dû engager depuis 1987 un incroyable marathon judiciaire. Il était encore le 19 février devant la Cour d’appel de Paris.
L’affaire aurait pu s’arrêter là. Mais, la même année, Henri a découvert qu’il avait une seconde maladie : après les plaques qui rigidifiaient la plèvre, est arrivée une asbestose, une fibrose du poumon proprement dit. « Cette fois-ci, la caisse primaire a reconnu sans difficulté la maladie en 2006. On pouvait espérer que le tribunal, qui avait déjà prononcé une condamnation, allait la confirmer pour cette seconde maladie. En fait, après avoir saisi le tribunal, j’ai attendu encore trois ans que l’affaire soit audiencée devant la Cour d’appel de Paris ! »
Le 19 février 2015, escorté d’une délégation de l’Addeva, Henri s’est rendu au Palais de Justice.
Une véritable partie de ping pong ! Quatre avocats représentant chacun une entité industrielle née des restructrurations successives de Cegelec sont intervenus. « Ils se sont livrés à une véritable partie de ping-pong, explique Henri. Chacun à son tour, ils ont tous juré que leur société n’avait aucune responsabilité dans cette affaire » « Les avocats de la partie adverse ont soutenu que je n’avais qu’une seule maladie dont l’aggravation avait déjà été payée, . L’asbestose et les plaques pleurales sont pourtant deux pathologies bien distinctes, l’une affectant le poumon, l’autre la plèvre qui l’enveloppe ». La Cour d’appel rendra sa décision le 16 avril.
Henri a cessé de compter les radios, les scanners, EFR, lavages broncho-alvéolaires qu’il a subis depuis le début de l’aventure. Il a 83 ans. Il est plus déterminé que jamais, mais il commence à trouver le temps long….
Qui d’autre qu’un militant associatif et syndical chevronné comme lui aurait pu suivre un tel parcours du combattant sans jamais se décourager ?
Article tiré du Bulletin de l’Andeva N°48 (avril 2015)
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COLLOQUE ORGANISÉ PAR L’ANDEVA ET MESOCLIN,
LE 15 MARS AU MINISTERE DE LA SANTÉ A PARIS
"Cancers de l’amiante : écrire l’avenir Médecins et malades débattent et proposent"
ECOUTER L'INTERVENTION
J’ai été diagnostiqué « mésothéliome pleural » fin Septembre 2012, cela fait plus de 3 ans que je traîne cette maladie et j’espère bien que cela va trainer encore longtemps...
- J’espère que cela va traîner car j’ai vraiment envie de vivre encore longtemps la vie que je vis avec ma femme. Depuis le diagnostic, elle me soutient et m’aide à accepter ce qui nous arrive, à le rendre supportable. Chaque jour qui passe est un jour gagné sur la maladie, un jour qui nous rend heureux de l’avoir vécu.
- J’espère que cela va trainer, ne serait ce que pour toucher le plus longtemps possible mes indemnités. J’estime qu’elles sont dérisoires en regard des souffrances endurées par moi-même et par mes proches. Qu’on efface les souffrances, qu’on me rende la santé, et je rendrai toutes les indemnités.
A l’annonce du diagnostic, j’ai éprouvé deux sentiments :
- un sentiment d’urgence .Je vais mourir bientôt et j’ai plein de choses importantes à faire avant : régler ma situation administrative avant mon décès pour que ma femme n’ait pas à s’en occuper après. De fait, il a fallu plus de 2 ans et 2 commissions de réforme pour que mon cancer soit reconnu en « maladie professionnelle ». L’aide de l’ADDEVA 93 m’a été indispensable pour y parvenir. J’ai eu durant tout ce temps une impression de course contre la montre. Je pensais que ce sentiment d’urgence allait se dissiper avec le temps, mais il perdure au quotidien. Chaque projet, recevoir des amis, témoigner sur le mésothéliome, partir en vacances, est une étape, un pari à gagner, un pari pour la vie.
- J’ai ressenti aussi un sentiment de froide colère rentrée. Quels sont les maffieux qui m’ont rendu cancéreux ? Et pourquoi ? Pour du profit ! Si j’étais le seul ce serait déjà scandaleux, mais combien sommes-nous dans le monde à être victimes de cette pègre ? Je ressens une injustice insupportable en pensant que nos empoisonneurs jouissent paisiblement de leur crime. Cette froide colère m’accompagne, ne me quitte pas, et je crois qu’elle est indispensable à ma survie.
Depuis le diagnostic j’ai reçu des soins. Je sais que je suis bien soigné. J’ai la chance :
- de ne pas être constamment en chimiothérapie,
- de vivre encore plus de 3 ans après,
- de ne pas être né 50 ans plus tôt et de pouvoir profiter des progrès de la médecine,
- de ne pas être né en Afrique,
- d’avoir accès aux soins grâce à la Sécurité sociale, ce qui ne sera peut être pas le cas pour mes enfants.
Je suis bien soigné, et pourtant j’ai le sentiment qu’il faudrait en faire plus. C’est un sentiment diffus, que j’ai du mal à exprimer.
Quand j’émets des réserves mon médecin généraliste est perplexe : « mais vous êtes soigné à l’hôpital FOCH, et à l’IGR ! On ne peut pas faire mieux… ».
Quand je lui dis que je ne suis pas médecin, mais que, sur ma pathologie, je voudrais en savoir autant qu’un médecin. Il est perplexe : « mais qu’est-ce que ça peut vous faire puisque vous êtes bien soigné ! » Eh bien ça me fait ! J’ai l’impression que cela m’aiderait à vivre mieux ma maladie, à comprendre ce qui m’arrive, à ne plus subir passivement les soins, avec l’impression de n’avoir aucune prise personnelle sur ma maladie, alors que je désire être actif, adhérer à mon traitement plutôt que le subir. Je crois que cela m’aiderait à vivre mieux sans avoir le sentiment d’être un simple paquet.
Je parle aussi de ma toux avec mon généraliste. Une vieille toux explosive qui m’accompagne depuis des années, avec des paroxysmes de jour et de nuit, et parfois de brèves accalmies, elle me secoue les côtes, me donne mal à la tête, m’arrache les yeux et me colle les tympans. Lorsque je m’en plains, il me répond : « mais c’est normal, avec ce que vous avez … » Il n’empêche que - même si c’est normal - je voudrais bien en être débarrassé.
Le médecin qui me suit à l’hôpital Foch est très disponible, et en empathie. Mais j’ai l’impression qu’il en sait plus que moi sur mon état et je lui tends des pièges pour essayer d’accéder à son insu à son savoir. Peut-être y a-t-il aussi chez moi un barrage inconscient qui bloque ma compréhension des informations que je reçois. La première fois, quand le médecin m’a montré les images de mon scanner, j’ai interprété tous les petits ovales blancs que je voyais sur l’écran comme des tumeurs alors qu’il s’agissait de mes côtes, vues en coupe. Aujourd’hui, plus de 3 ans après, je suis toujours incapable de lire mon scanner et j’ai l’impression de ne rien savoir sur ce qui m’arrive.
Mon périple médical a d’ailleurs commencé par un scanner. J’attendais le résultat. Le radiologue a fait irruption dans la salle d’attente et m’a envoyé aussitôt aux urgences de l’hôpital FOCH où j’ai appris que je faisais une embolie pulmonaire bilatérale. J’ai passé 10 jours « au lit strict » en attendant que les anti-coagulant fassent effet. C’était fin Février 2012.
En juillet je toussais toujours, le pneumologue m’a prescrit un PET SCAN, puis une exploration en septembre. J’y suis allé sans préjugé. Je ne m’attendais pas à souffrir autant. Les échantillons sont partis chez les experts du groupe Mésopath de Caen. Le diagnostic est tombé : mésothéliome pleural. J’ai consulté sur Internet « doctissimo », « wikipedia » et autres sites. J’ai lu que le mésothéliome est un cancer rare et très douloureux, avec une mediane de survie de 9 à 12 mois. J’ai fermé l’ordinateur, j’ai songé à rédiger mes « directives anticipées » et fait un comparatif des offres de pompes funèbres.
En Octobre, j’ai subi une radiothérapie à l’endroit des incisions pour l’exploration, et deux interventions : l’une pour implanter une chambre d’injection, l’autre pour extraire l’épanchement pleural. Tout cela m’a littéralement labouré le thorax.
Puis ce fut ma première chimiothérapie : ALIMTA/CARBO PLATINE. J’en garde le souvenir d’une surexcitation insupportable, d’une difficulté à me nourrir à cause des aphtes qui rendaient chaque déglutition douloureuse. Ensuite, je suis resté 6 mois sans traitement. C’était inespéré. Ma femme et moi, nous sommes partis de la consultation de l’hôpital avec la bonne nouvelle, comme de collégiens partent en récréation. En rentrant de vacances, le scanner n’était pas bon, il fallait reprendre le traitement, à nouveau ALIMTA/CARBO PLATINE. Cette chimio ne répondait plus, il fallait en changer et passer à la NAVELBINE qui, elle aussi, ne répondait pas.
On m’a alors proposé de rentrer comme volontaire dans un essai clinique intitulé MEDIMMUNE, en l’immunothérapie, qui se tenait avec l’IGR en tant que centre expert. J’ai accepté avec enthousiasme. Avant l’inclusion dans l’essai clinique J’ai signé très rapidement sur le bureau du médecin investigateur le « consentement éclairé », un document de 37 pages. Revenu à la maison, le l’ai étudié attentivement avec ma femme et je n’ai pas remis ma signature en question.
A l’IGR devant la foule des patients dans les salles d’attente, j’ai compris la vraie valeur du mot « patient » quand on est malade. Il me reste si peu de temps à vivre, et ce temps je le perds à attendre. J’aurais aussi souhaité une meilleure coordination entre l’IGR l’hôpital FOCH.
A l’IGR mes relations avec le médecin investigateur et son infirmière attachée de recherche ont été excellentes. Mais l’infirmière s’est étonnée quand je lui ai demandé s’il était possible de rencontrer d’autres volontaires de l’essai clinique qui en exprimeraient le souhait, pour échanger sur notre vécu et nous soutenir mutuellement. Cela n’a pas été possible. Des structures comme « l’espace de rencontre et d’information », le « comité de patient » ou la « coordination des relations patients » ne me convenaient pas vraiment. Je désirais une intervention précise sur la question de l’amiante. Je crois que les pathologies de l’amiante ont une spécificité qui nourrit une cohésion entre les victimes qui en sont atteintes et leurs proches. Un jour, en sortant d’une prise de sang au laboratoire, je pestais à haute voix contre les difficultés pour faire reconnaître ma maladie professionnelle. La Directrice est sortie de son bureau et m’a dit : « je vous comprends : mon père est décédé il y a 3 ans d’un mésothéliome ». C’est une véritable communauté qu’il faudrait constituer entre ceux qui partagent le même vécu.
Pour l’essai clinique, j’ai reçu 3 injections sur 6 de TREMELIMUMAB. La première s’est bien passée. La seconde fut invivable : je fus assailli par un prurit de jour et surtout de nuit m’empêchant de dormir. La troisième fut encore pire, avec une diarrhée apocalyptique. Il a fallu arrêter car je risquais une péritonite due aux effets secondaires.
A la dernière consultation à l’IGR le médecin m’a prescrit du PREDNISOLONE pour « nettoyer tout ça ». L’ordonnance énonce bien que je dois arrêter progressivement le traitement. Mais, à cette période, je saturais des prises médicamenteuses. Dès que les douleurs ont cessé et que je me suis senti mieux, j’ai stoppé inconsidérément le traitement. Résultat : mes surrénales ne fonctionnent plus, je suis sans doute abonné quotidiennement à l’ HYDROCORTISONE pour le reste de ma vie.
J’ai été exclu de cet essai clinique le 29 décembre 2014. Plus d’un an a passé, et je suis sans traitement. Sans traitement contre le cancer ne veut pas dire sans médicaments : j’ai une piqure d’INNOHEP quotidienne, et 30 mg en 3 fois d’HYDROCORTISONE par jour. Sans traitement ne veut pas dire non plus sans anxiété, sans anxiété que progresse la maladie, sans anxiété que reprennent les chimiothérapies.
Plus d’un an a passé. Je n’ai reçu qu’un appel téléphonique d’une personne de l’IGR que je ne connaissais pas, au sujet du suivi des volontaires. C’est tout. Je n’ai aucune nouvelle de l’évolution, et des progrès de l’essai clinique MEDIMMUNE. Cette situation me donne l’impression d’être un rat, un rat que l’on sort de sa cage, et que l’on remet dedans.
Je suis adhérent de l’ADDEVA 93. Je suis intervenu en tant que représentant de mon association auprès de l’IGR, durant mon parcours de soins, pour formuler des propositions. Nous avons proposé une réunion de travail entre les responsables du centre expert MESOCLIN et les associations de victimes de l’amiante en Ile -de-France. Nous souhaitions aussi proposer aux patients engagés dans l’essai clinique MEDIMUNNE une rencontre s’ils la souhaitaient. Notre lettre a été envoyée en janvier 2015. Elle est toujours sans réponse.
Je viens de témoigner, longuement, de mon vécu. Je voudrais aussi parler de l’insuffisance de mon savoir sur ma maladie et de ma maîtrise des thérapies.
Mon savoir est parcellaire et expérimental. Je pense que des rencontre entre patients vivant les mêmes situations seraient très enrichissantes, et participeraient à leur éducation thérapeutique. Je pense que les patients victimes d’une pathologie de l’amiante, sont des cancéreux spécifiques, car ils ont presque toujours été contaminés dans leur travail et exposés sciemment mais à leur insu. Ma maîtrise des thérapies, je la ressens comme nulle. Je n’ai aucune idée de ce que peut être l’arsenal thérapeutique. Ce ne serait sans doute pas le cas s’il y avait des rencontres entre patients.
Pour finir, je voudrais citer Jean Genêt : « nous n’avions pas fini de nous parler d’amour, nous n’avions pas fini de fumer nos gitanes » écrit-il dans le poème intitulé « le condamné à mort ». Ce poème me parle et me donne envie de prolonger la partie.
Je suis heureux de pouvoir aujourd’hui participer à cette rencontre. Mon témoignage est bien sûr porteur d’une vérité subjective et individuelle. Mais j’espère qu’il pourra contribuer à une meilleure une compréhension et une meilleure approche du vécu et des souhaits des malades qui ont un MESOTHELIOME PLEURAL.
Voir le programme du Colloque et les autres interventions sur le site de l'Andeva
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