BOUCHILLOU (Bergerac) : L’amiante-ciment à l’épreuve du feu

Quand une toiture en amiante-ciment de 2800 mètres carrés s’effondre lors d’un incendie, plusieurs milliards de fibres cancérogènes voltigent dans l’atmosphère.

Le 12 janvier 2013, un incendie se déclare chez Bouchillou, une entreprise de peintures. Les flammes ravagent la toiture en vieil Everite qui s’effondre dans un nuage de poussières toxiques   ; une chaudière bourrée d’amiante est touchée ; des tonnes de produits dangereux se déversent dans les égouts et s’infiltrent dans le sol qu’ils polluent en profondeur.

Un danger pour la population

«  Chez Bouchillou, il y avait 2800 mètres carrés de plaques de toiture en amiante-ciment (50 à 60 tonnes) installées au dessus des ateliers, explique René Vincent, le président du Cerader 24. Le danger de ces plaques d’Everite est amplifié en cas d’incendie    : A partir de 400°C jusqu’à 600 °C environ, le ciment perd ses qualités et tombe en poussière libérant des milliards de fibres d’amiante qui étaient emprisonnées dans le ciment.
Portées par l’incendie elles se déposent au sol puis sont propagées et dispersées à distance par le vent, même en cas de pluie. C’est un danger pour la population du voisinage.
 »

La poudrerie de Bergerac qui a des logements «   sous le vent   » fait effectuer des contrôles. Ils révélent la présence d’amiante dans l’herbe et les jardins... Elle demande à ses locataires de ne pas y effectuer de travaux de tonte ou de plantation. Bouchillou fait appel à la Sodepol, une entreprise de Toulouse spécialisée dans la dépollution.

Des travaux sous le contrôle vigilant des riverains

Face à ce risque, les riverains s’organisent en créant une association, l’ARQA.
Une surveillance des travaux est mise en place, avec photo et vidéos. Les anomalies sont notées avec date et heure.
Ils sont choqués de voir des ouvriers de Bouchillou récupérer sans précaution des produits après l’incendie. Ils remarquent des camions non bâchés transportant des carcasses métalliques et des gravats amiantés pour certains sur plusieurs centaines de kilomètres sans même que leurs pneus aient été arrosés au jet avant le départ. Ils remarquent un appareil de mesure d’empoussièrement curieusement placé devant un mur... Des mesures de prévention, mises en oeuvre au moment des visites officielles, sont oubliées juste après...

L’Arqa et le Cerader portent plainte

« Le Cerader et l’association des riverains sont intervenus la main dans la main, se félicite René. Il faut aider les riverains face aux assurances qui rechignent à indemniser leurs dommages et poursuivre l’employeur pour «   mise en danger d’autrui  », comme nous l’avons fait contre Manuco, une filiale de la poudrerie de Bergerac, dont le tribunal correctionnel a condamné le directeur à 6 mois de prison avec sursis.
L’Arqa a déposé quatre plaintes, le Cerader en a déposé trois.
Nous avons déjà eu deux rencontres avec la sous-préfecture de Bergerac
 » .

 


AMIANTE-CIMENT
Les dangers d’un sinistre

L’énorme incendie qui a ravagé l’entreprise
Bouchillou n’est malheureusement qu’un exemple parmi beaucoup d’autres.


Mars 2013
Le hangar de dépôt d’Emmaüs à Coulounieix-Chamiers (Dordogne) est en feu. La toiture en plaques d’Everite s’effondre. Ignorants du danger, des bénévoles récupèrent sans précaution du matériel.

Juin 2013
A Gilly, en Belgique, un hangar abritant des milliers de palettes de bois est détruit par un incendie. Sa toiture est en amiante-ciment. Les pompiers de Charleroi lancent le « plan amiante » et instaurent un périmètre de sécurité de 500 mètres autour de l’entreprise.

Août 2013
En Dordogne tombent des grêlons gros comme des balles de golf. Les toitures de fibrociment mitraillées par la grêle sont criblées de trous laissant passer la pluie. Les demandes de travaux affluent. Peu d’entreprises sont certifiées.
Des « couvreurs du dimanche », ignorants du danger et des précautions à prendre, se mettent sur les rangs.


Le problème est sérieux. Il y a en France des dizaines de milliers d’hectares de vieilles toitures en fibrociment.

L’amiante-ciment, souvent considétré comme «   non dangereux   » parce que «   non friable   », est en fait un matériau fragile. Il vieillit mal et se dégrade au fil des ans sous l’effet de la pluie, du gel, et de l’action des mousses qui le recouvrent.
Si l’amiante est connu pour sa résistance au feu, l’amiante-ciment, matériau composite, est au contraire vulnérable aux incendies qui le fragilisent et dissocient les fibres du liant qui assure leur cohésion. Au risque d’inhaler des poussières cancérogènes en suspension s’ajoute le risque de chutes mortelles pour les intervenants.
Les pompiers, les occupants des lieux, les agents d’assurance qui évaluent les dégats, les riverains proches du sinistre sont directement concernés.
L’ignorance du danger peut abréger des vies.

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Article paru dans le bulletin de l’Andeva n°43 (septembre 2013)