L’Adeva Cherbourg mène l’enquête

Quelles difficultés rencontre un particulier qui veut se débarrasser de plaques de Fibrociment ? Dans quelles déchetteries sont-elles acceptées ? Sous quelles conditions ? Comment ces matériaux dangereux sont-ils conditionnés, transportés et stockés ? Quelle est la formation des salariés qui font ce travail ? Chimiste de profession, Alain Lenormand, adhérent de l’Adeva Cherbourg et membre du groupe de travail « Prévention » de l’Andeva, a fait un état des lieux, avec l’aide de deux autres adhérents. Le bilan est contrasté. Il y a encore beaucoup à faire pour répondre aux besoins des particuliers et améliorer la sécurité du personnel et des usagers.

Pourquoi une association qui défend les victimes de l’amiante s’occupe-t-elle des déchetteries ?

Notre association a été créée en 1996 par des salariés de DCN. Elle a toujours eu comme première préoccupation la protection des intervenants lorsque leur exposition à des produits toxiques comme l’amiante mettait en danger leur santé. L’Adeva défend les victimes de l’amiante et leurs familles. Elle recherche aussi les moyens de réduire le plus possible les expositions à l’amiante. Les deux sont complémentaires.

L’amiante a-t-il beaucoup été utilisé dans la région ?

Oui, jusqu’en 1997, dans la « navale » mais aussi dans la construction et l’industrie car c’était un produit efficace et bon marché.
Les plaques d’amiante-ciment (fibro-ciment) ont été, à une époque, énormément utilisées dans la région pour confectionner des salles de sport, des hangars, des salles de traite pour les vaches et des abris divers.
L’ADEME a évalué en 2004, qu’en France, les déchets d’amiante non liés étaient d’environ 200 000 tonnes et l’amiante-ciment atteignait 20 millions de tonnes.
Tous ces déchets sont dangereux y compris l’amiante-ciment vieillissant.
Il est donc urgent de les collecter dans les meilleures conditions pour éviter de nouvelles contaminations et en particulier chez les enfants qui sont plus vulnérables.
La dangerosité de l’amiante non lié impose que ce travail soit réservé aux professionnels et des lois précises existent pour en définir les modes opératoires.
C’est pourquoi l’Adeva Cherbourg a voulu recenser les moyens de collecte de l’amiante-ciment mis à la disposition des habitants du Nord-Cotentin.

Comment avez-vous procédé et quels sont les résultats de cette enquête ?

Au cours du premier semestre 2013, nous avons pu visiter toutes les déchetteries du Nord-Cotentin ouvertes aux particuliers. Huit sur douze prennent l’amiante lié.
C’est un progrès par rapport aux périodes antérieures mais le stockage provisoire des produits collectés dans les déchetteries est fait sans protéger les déposants, sans confinement, ni balisage particulier.
Dans deux déchetteries, il est même demandé aux déposants de casser sur place ou chez eux leurs plaques afin de les introduire dans les sacs GRV « Amiante ». Ces sacs sont laissés ouverts dans la déchetterie.
Dans les autres déchetteries, les plaques d’amiante-ciment sont laissées sur des palettes de bois, la plupart du temps sans confinement.

Une information est-elle donnée aux usagers des déchetteries ?

Les déposants sont avertis systématiquement de la dangerosité de l’amiante dans seulement deux déchetteries.
Les dépôts se font alors que tous les utilisateurs de la déchetterie sont présents et sans aucune mesure de protection

Quelle est la destination finale de ces déchets ?

Ils sont acheminés jusqu’au centre d’enfouissement du Nord-Cotentin. Lors du transport, les sacs GRV sont fermés et les palettes sont confinées avec un film de plastique mais le personnel ne se protège pour faire ces opérations que dans trois déchetteries.

Les dépôts en déchetterie sont-ils limités pour un particulier ?

Oui. Les quantités d’amiante-ciment prises gratuitement sont en moyenne limitées à environ 100 kg (5 plaques par an et par déposant) sauf une déchetterie qui facture tous les dépôts. Au dessus de ces 100 kg, les dépôts sont facturés en moyenne 0,3 € le kg.
Compte tenu des quantités d’amiante-ciment en jeu, les restrictions imposées sont beaucoup trop importantes et cette collecte devrait se faire sans frais pour les particuliers car il y a un enjeu de santé publique.

Quelles sont les propositions de l’Adeva Cherbourg à l’issue de cette enquête ?

Pour éviter les décharges sauvages il nous parait indispensable de faire cette collecte gratuitement, ce qui permettra à la collectivité de traiter ces déchets dans les meilleures conditions.
A l’issue de ces constats, l’ADEVA Cherbourg fera dans un premier temps un courrier aux différents présidents des communautés de communes qui ont en charge les déchetteries afin de les sensibiliser aux dangers de l’amiante et pour leur proposer des améliorations progressives dans les pratiques afin de supprimer les risques de contamination par l’amiante.

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Article paru dans le bulletin de l’Andeva n°43 (septembre 2013)