28 juin 2013. Précédé d’une fanfare locale, le défilé se met en marche.
Comme tous les ans, des centaines de personnes sont venues rendre hommage aux victimes de cette commune sinistrée par l’amiante. A l’arrivée, devant la stèle inaugurée dix ans plus tôt, les interventions se succèdent. Les élus locaux sont là.
Mireille, administratrice de l’Andeva, lit un émouvant poème. Jean-Michel, le président du Caper, rend hommage à René, fondateur de l’association, décédé en 2007, encore dans toutes les mémoires.
Sylvie Topaloff se souvient avec émotion du jour où René était venu la chercher à Paris. C’était en 1996. Jean-Paul Teissonnière et elle-même étaient alors novices en matière de droit du travail et presque ignorants du drame de l’amiante. La visite du cimetière de Thiant, peuplé de victimes d’Eternit, les avait marqués. Tous deux avaient répondu à l’appel.
Ainsi débuta l’histoire d’une longue lutte et d’une indéfectible amitié. Après des débuts difficiles et de douloureux échecs, vint le temps des victoires judiciaires. Le 30 juin 1999, pour la première fois, le Tass de Valencienne reconnut la faute inexcusable d’Eternit. Une victoire historique, qui allait en amener tant d’autres.
La journée se termine dans la salle des sports autour d’un verre. Une exposition de photos sur les grands évènements des années passées a été installée.
Les mémoires se libèrent. On se souvient de la poussière omniprésente dans les ateliers. De la « générosité » de l’entreprise qui autorisait les employés à ramener chez eux les chutes de tuyaux d’amiante-ciment utilisées pour les allées de jardin et les chemins menant aux fermes.
On se souvient de ces fêtes de Noël où les jouets des enfants étaient ramenés à la maison dans des sacs d’amiante usagés.
Tant de souvenirs terribles dont on préférerait qu’ils n’aient été que des cauchemars.
On se souvient aussi des visages de ceux qui nous ont quittés prématurément, comme Marie-Sophie, décédée à 28 ans d’un mésothéliome ou Jean-François, non-fumeur et décédé à 35 ans d’un cancer du poumon.
Et l’on ne comprend toujours pas pourquoi le procès pénal des responsables se fait attendre.

 


René

Si cette stèle existe, c’est par la volonté de René Delattre, président et fondateur du Caper, décédé de l’amiante comme Robert Wuilbeaux, secrétaire de l’association et comme tant d’autres, qui étaient entrés à Eternit pour gagner leur vie, pas pour la perdre.

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Article paru dans le bulletin de l’Andeva n°43 (septembre 2013)