Pour qu’une maladie professionnelle soit reconnue, il faut que soient remplis tous les critères d’un tableau de maladies professionnelles : désignation de la maladie, délai de prise en charge (sous réserve éventuelle d’une durée d’exposition), liste indicative ou limitative de travaux (article L461-1 alinéa 2 du Code de la Sécurité sociale).
Cela dit, une maladie peut être reconnue par un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) dans le système complémentaire de reconnaissance, si certains critères du tableau 30 ou 30 bis ne sont pas remplis (art. L461-1 alinéa 3)
ou lorsque la maladie n’est dans aucun tableau (art. L461-1 alinéa 4)


La Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAM-TS) a publié un bilan de l’activité des CRRMP pour 2012.

Les résultats pour toutes les maladies

17 661 demandes ont été traitées. L’écrasante majorité (93%) concerne des maladies inscrites dans un tableau, dont tous les critères ne sont pas remplis (alinéa 3).
Il y a 46% d’avis favorables. Une faible minorité (7%) concerne des maladies hors tableau (alinéa 4).
Il y a 25% d’avis favorables.

Les maladies liées à l’amiante

- Les maladies inscrites aux tableaux 30 et 30 bis
611 demandes ont été traitées par des CRRMP. La proportion d’avis favorables (78%) est nettement plus élevée que celle du total des maladies (46%).
Elle varie selon la maladie : 94% pour les plaques pleurales, 94% pour le mésothéliome, 66% pour le cancer bronchopulmonaire.
L’expérience montre que des niveaux d’empoussièrement importants et/ou une synergie avec d’autres cancérogènes (silice, vapeurs d’acide, poussières de fer) peuvent faciliter la reconnaissance d’une maladie liée à l’amiante quand tous les critères du tableau ne sont pas remplis.

- Les maladies «  hors tableaux  »
Elles concernent surtout des maladies ayant un autre siège que le poumon ou la plèvre. Sur l’ensemble de la France ont été reconnus en 2012 :

- 5 cancers du larynx (sur 20 déclarée)
- 1 cancer du côlon (sur 7)
- 1 cancer du rein (sur 10)
- 1 cancer de la lèvre, de la cavité buccale ou de l’oropharynx (sur 4)

Toutes les autres demandes concernant des cancers extrapulmonaires (oesophage, vessie, estomac) ont reçu un avis défavorable en 2012.

Une situation inacceptable

De ces chiffres on peut tirer deux conclusions :
1) Avec un dossier solide, et beaucoup de ténacité, on peut parfois arracher la reconnaissance d’un cancer de l’amiante hors tableau par un CRRMP.
2) Mais le nombre global d’avis défavorables reste anormalement élevé.

Les voyages des fibres d’amiante

La plupart des fibres d’amiante inhalées circulent par le système respiratoire. Mais elles circulent aussi dans l’organisme par la voie digestive, la circulation sanguine et le système lymphatique. Plusieurs études confirment la présence de fibres dans l’urine de certains travailleurs de l’amiante.
La reconnaissance des maladies professionnelles par le système complémentaire doit en tenir compte.

 


Délai de prise en charge dépassé ?

Ce que dit le
« Guide pour les CRRMP »

« Aucun argument scientifique solide ne permet de récuser la relation directe entre une exposition interrompue depuis plus de 40 ans (délai de prise en charge prévu au tableau) et la survenue d’un mésothéliome malin. »

Cette prise de position très nette est basée sur l’expérience : on sait que le le temps de latence d’un mésothéliome peut atteindre voire dépasser le demi-siècle.
Elle figure dans un guide officiel (pratique et déontologie) dont le but d’apporter une aide à la décision des comités. Paru en janvier 2013, ce guide a été rédigé par un groupe d’experts et validé par le Directeur général du Travail et le Directeur de la Sécurité sociale.

(On peut le télécharger sur Internet en faisant une recherche par mots clés : « Guide » et « CRRMP ».)

 


Vers la reconnaissance de nouveaux cancers ?

Le cancer du LARYNX

Le lien entre le cancer du larynx et l’amiante est confirmé par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC).
Ce cancer est déjà sur la liste des maladies professionnelles dans plusieurs pays européens. Mais, en France, il n’est toujours pas inscrit dans un tableau de maladies professionnelles, malgré des demandes répétées de l’Andeva.
Il doit donc être examiné par un CRRMP au titre de l’alinéa 4, et, trois fois sur quatre, le Comité rend un avis défavorable, en considérant que la preuve d’un «  lien direct et essentiel » entre l’exposition à l’amiante et cette pathologie n’a pas été apportée »

Le cancer des OVAIRES

Le lien entre l’amiante et le cancer des ovaires est confirmé par le CIRC. Aucun cancer des ovaires n’a pourtant fait l’objet d’une déclaration en maladie professionnelle en France en 2012.Les femmes concernées ont-elles été informées ?

 


Régions :Des écarts injustifiables

Quand la maladie déclarée n’est dans aucun tableau (alinéa 4) :
- le CRRMP de Nantes rend un avis favorable pour 55% des demandes,
- le CRRMP de Rennes émet un avis favorable pour 4% seulement des demandes !

Rien ne saurait justifier un tel écart quand il s’agit d’appliquer les mêmes textes pour les mêmes maladies et des situations de travail analogues.


article paru dans le Bulletin de l’Andeva n°43 (septembre 2013)