120 victimes pour
un non lieu

Une procédure pénale pour « homicide par imprudence  » avait été engagée par la famille Léonard en 2000 contre le CMMP. Le 6 juillet 2013, les juges d’instruction ont rendu une ordonnance de non-lieu.
L’instruction a constaté «  des manquements à la sécurité des salariés et des riverains » avant 1976 et confirmé la conscience du danger de l’employeur dès les années 1950, mais elle se clôt par un non-lieu, parce que toutes les personnes physiques responsables à l’époque (PDG et préfets) sont décédées. L’entreprise ne peut pas non plus être condamnée comme personne morale
(la réglementation de 1994 n’est pas rétroactive).

Le coup est rude pour ceux qui ont engagé ce combat et qui voient, année après année, la liste des morts s’allonger, mais la volonté de lutte est intacte et d’autres combats s’annoncent déjà.
Les actions en faute inexcusable, gelées par des sursis à statuer dans l’attente du procès pénal, devraient se débloquer. La reconnaissance de «  manquements à la sécurité des salariés  » avant 1976 sera un atout.
Des victimes et des familles déjà indemnisées par le Fiva pourront lui demander de se retourner contre l’employeur fautif pour récupérer les indemnisations versées, en invoquant soit la faute inexcusable (pour les salariés) soit l’article 1384 du Code civil (pour des victimes environnemenales).

Un dispositif de recherche de personnes contaminées va se créer (voir page 11). Il devrait permettre de trouver de nouvelles victimes qui pourront, elles aussi, agir.
Les dirigeants du CMMP ont donc encore du souci à se faire. La partie n’est pas terminée.

Aucune poussière d’amiante après 1976 ?

L’ordonnance de non-lieu dit qu’après 1976, le CMMP n’a eu qu’une activité de « commercialisation de l’amiante revendu en l’état, sans manipulation et sans reconditionnement, et donc sans dégagement de poussière d’amiante » et met hors de cause l’ex-PDG de l’époque.
Mais d’autres attendus de cette même ordonnance font douter de cette affirmation :
«  La présence d’amiante a persisté entre 1978 et 1986 à raison de 16 à 29 tonnes par an. »

L’amiante en vrac était conditionné dans de simples sacs en papier dont la fragilité est connue. Le directeur commercial explique que ces sacs étaient «  étanches  » mais «  non hermétiques  » et qu’il pouvait «   mécaniquement y avoir des dégagements de poussières   ». La présence de poussière d’amiante sur les sacs est d’ailleurs confirmée par un salarié.
Au vu des quantités d’amiante retrouvées lors de la déconstruction récente de l’usine, on peut aussi s’interroger sur les conditions dans lesquelles a été démonté un gros broyeur d’amiante en 1976 et sur les techniques utilisées en 1991 pour «  dépoussiérer » le site.


Article paru dans le bulletin de l’Andeva n°43 (septembre 2013)