« Mon mari a été exposé à l’amiante et à d’autres cancérogènes »

Mon mari est décédé le 10 novembre 2012 d’un cancer broncho-pulmonaire. Il avait été manœuvre, sableur métalliseur, peintre, cariste, ouvrier chromeur, agent chargé du nettoyage, ponceur, peintre industriel.

Il a été exposé dans à l’acide chromique, qui lui a causé une perforation nasale. Il travaillait sans gants et faisait des journées de 10 heures.

Quand mon mari était à l’hôpital, un docteur est venu dans sa chambre avec des jeunes médecins. Il leur a montré les cicatrices des lésions causées par l’acide sur le bout des doigts de mon mari et leur a dit : « Voici une preuve de l’exposition professionnelle à l’acide chromique ».
Mais il a aussi été exposé à d’autres cancérogènes. Je suis convaincue qu’il y a eu une synergie entre tous ces produits industriels dangereux au contact desquels il a travaillé durant toute sa vie.

Il y a eu la silice, quand il a travaillé dans des sociétés de sablage. je sais que la silice cristalline provoque des fibroses et qu’elle a été classée comme cancérogène de classe 1 par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC). Je sais qu’il faisait ce travail dangereux sans protection des voies respiratoires.

Il y a eu l’amiante. Je sais que des façades d’immeubles et de bâtiments qu’il a décapées par le sablage sur des surfaces très importantes étaient garnies de panneaux isolants contenant de l’amiante. Les poussières qu’il a respirées étaient donc aussi des poussières d’amiante. Durant sa maladie, il nous a expliqué aussi qu’il avait utilisé des gants d’amiante pour récupérer des pièces chaudes sortant du four.

En tant que ponceur, il a poncé des pièces métalliques de toutes sortes. Or je sais que les poussières d’oxydes métalliques sont considérées comme cancérogènes.

Je voudrais apporter mon témoignage sur l’état dans lequel mon mari rentrait tous les jours à la maison pendant plusieurs dizaines d’années.
Il revenait avec ses vêtements de travail pleins de poussière (l’entreprise ne les lavait pas). Il prenait sa douche à la maison. Durant ses premières années de travail, c’est lui qui lavait ses vêtements de travail à la main. Après notre mariage, c’est moi qui les ai lavés. La poussière était collée dans le tissu. Il fallait secouer les bleus avant de les laver pour en faire partir le maximum. Il fallait retourner les poches. Certaines poussières restaient malgré tout incrustées sous formes de taches.

Durant des années j’ai vu mon mari cracher et se racler la gorge continuellement. Il se mouchait souvent, et avec difficulté. Le bruit était anormal. Sa cloison nasale perforée le gênait. Il saignait souvent du nez.
Durant sa maladie, il se plaignait des mauvaises conditions de travail qu’on lui avait imposées et il exprimait sa rancoeur contre ses anciens employeurs. Il était devenu très soucieux de la sécurité au travail. Quand il voyait notre fils bricoler sans se protéger, il s’emportait et disait : « Ce n’est pas maintenant que tu vas sentir les conséquences mais tu verras plus tard. »

Une veuve
parmi d’autres


Article paru dans le Bulletin de l’Andeva n°43 (septembre 2013)